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19 avril 2007 4 19 /04 /avril /2007 10:35

cendrillon.jpg

Les petites filles d’aujourd’hui rêvent-elles d’être prises en croupe sur un destrier blanc et emmenées par un prince charmant vers un château digne de Louis II de Bavière ? Non, elles rêvent d’être en haut de l’affiche, sous le feu des projecteurs.

C’est de cette idée qu’est parti Noureev pour transformer le conte de Perrault en un ballet qui mène le spectateur des traditionnels cheminée et balais de la souillon à l’univers d’Hollywood. Il peuple son ballet de vahinés ornées de colliers de fleurs, d’Indiens coiffés de plumes multicolores, d’un gigantesque King Kong et d’un producteur fumeur de cigares. Par la magie d’une rencontre avec ce producteur, la servante qui se rêvait Charlie Chaplin se transforme en éblouissante actrice vedette du bal du prince charmant.

En revisitant le mythe par cette adaptation de 1986, Noureev stimule l’imagination, mais il troque aussi la pureté du mythe originel contre un déploiement baroque de personnages parfois un peu criards.

La magie opère en revanche quand il transforme les douze coups de minuit en autant de robots aux gestes mécaniques et durs dont les gestes gracieux et ronds de Cendrillon ne parviennent pas à stopper la progression.  Ou quand défilent sur scène les quatre saisons vêtues de costumes aériens en une parade mi-défilé de mode Dior mi-sacre du printemps. Ou encore grâce au personnage de la marâtre, interprétée par un danseur homme, le grimaçant José Martinez.

Le deuxième acte entraîne aussi le spectateur autour du monde, d’un cabaret espagnol à une taverne russe en passant par un bouge chinois, où l’on oublie les entrechats et les jetés classiques pour se laisser aller à une langueur orientale ou à un style « bal folk » débridé. Le prince charmant semble hésiter entre quête de sa belle envolée d’un pays à l’autre et recherche de l’oubli dans les bras des femmes d’ailleurs.

La musique de Prokofiev se prête alors à cette tournée exotique avec une souplesse surprenante, révélant qu’une grande partition laisse la porte ouverte aux interprétations les plus variées.

                                  

Cendrillon de Prokofiev, ballet de Noureev, au Palais Garnier, du 10 avril au 11 mai 2007.

 

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10 avril 2007 2 10 /04 /avril /2007 19:14

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Elle est tantôt brune, tantôt blonde, tantôt jeune, tantôt vieille.

La photographe tchèque Dita Pepe semble avoir réalisé à travers son art le rêve d’être polymorphe, de vivre toutes les vies humaines en une.

L’exposition « Autoportraits » qui se tient actuellement au centre culturel tchèque, à Paris, la présente sous une trentaine de facettes différentes. Dans chaque photo, elle prend place, malléable à l’envi, à côté de ses sujets, dont elle adopte les attitudes et les codes. Mère de famille, épouse, fille ou petit-fille, bohème, punk ou BCBG, elle brille toujours par sa crédibilité. Au fil des photos, on oublie presque qu’elle est la grande metteuse en scène, on se prend à chercher des ressemblances avec ses « enfants adoptifs ».

De cette galerie de portraits naît une interrogation : Suffit-il de troquer un vieux jogging pour un chapeau chic et une robe blanche pour passer du statut de marginale à celui de grande bourgeoise ? Pourquoi le costume joue-t-il un si grand rôle dans nos vie ?

Il n’y a pas que le costume dans ces photos. Dita Pepe partage aussi les attitude de ses sujets. Elle est raide devant l’objectif quand ils le sont, provocante ou à l’aise quand ils savent l’être. A travers ses photos, elle témoigne d’une grande capacité à l’empathie, à la compréhension de l’autre.

Elle offre aussi un tableau vibrant de cette République tchèque du début du XXIe siècle où cohabitent nouveaux riches et toujours pauvres, lolitas sur-maquillées et vieilles paysannes an fichu. Une approche non-exhaustive mais profondément humaniste.

                                                  

Autoportraits, de Dita Pepe, jusqu’au 19 mai 2007 au centre culturel tchèque, 18 rue Bonaparte, Paris 6. Entrée libre, du mardi au vendredi de 13h à 18h et le samedi de14 à 19h.

 

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23 février 2007 5 23 /02 /février /2007 22:55
 Parfois, on manque un auteur comme on passe entre les gouttes de pluie. On lit Faulkner et Fitzgerald, Gide, Hugo et même Houellebecq, mais on ne s’arrête pas à Gary, on glisse sur ce rayon de la bibliothèque comme une rampe de skateboard mentale.

            Cette semaine, j’ai découvert Romain Gary, et je me suis retrouvée toute ébahie d’avoir pû passer à côté de cette force narrative pendant 22 longues années. Il y a peu de livres qui donnent une impression de vertige à l’idée qu’on ait pu « vivre sans », vivre en les ignorant.

            « Chien blanc » a été de ceux-là. Dans un Los Angeles déchiré par les émeutes raciales, par la révolte des Noirs parqués dans des ghettos, Romain Gary raconte sa confrontation à cette colère légitime qui se mue en haine illégitime. Le hasard  met sur sa route un berger allemand. Il lui  faudra quelques jours pour réaliser que son nouveau compagnon, brave bête qui tient en apparence de Rintintin et de Mabrouka, se transforme en un monstre écumant à la vue de la moindre personne de couleur. Dressé à attaquer les Noirs pour « protéger » une famille blanche, il est selon les meilleurs dresseurs irrécupérable. Mais pour Romain Gary, il doit devenir le symbole de la réversibilité du racisme.

            Mi-Colette pour la finesse de sa peinture de l’amour des animaux, mi-Tahar Ben Jelloun pour sa compréhension aigue des mécanismes mentaux du racisme,  Gary signe avec « Chien banc » un livre dont je regrettais au bout de 80 pages qu’il n’en fasse que 200 et non 600. Un luxe de lecteur rare…

gary.jpg

Et puis surtout, ou du moins aussi, « Chien blanc » décortique les ressorts faits de peur et de méconnaissance qui alimentent le racisme. Il démontre que chacun de nous a au moins une bonne raison égoïste de ne pas être raciste : vouloir éviter d’être haï en retour. Sur fond de guerre du Vietnam, de mai 1968 et de présidence de Johnson, ce petit roman a une actualité poignante, une façon de nous susurrer à l’oreille que les BBR des agences immobilières  et les « filtrages » à l’entrée des boîtes de nuit ne sont pas des discriminations anodines.

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1 février 2007 4 01 /02 /février /2007 00:00
Où trouver de la verdure cet hiver, alors que les arbres des parcs parisiens offrent aux regards leurs branches décharnées, qui semblent sorties d’un film de Tim Burton ? La réponse se trouve à deux pas de Sciences Po, grâce à l’exposition « Folies Végétales » de Patrick Blanc. A la fois biologiste et plasticien, cet amoureux fou de la nature et de la flore tropicale de sous-bois (puisque tous les goûts sont dans la nature), y offre un hommage savamment scénographié à l’imagination de nos voisins les plantes.
 Un féerique, foisonnant et retournant plafond végétal constitué de 1000 plantes de 20 espèces différentes y accueille le visiteur et le guide vers des rapides de zone tropicale, dont le bruissement continu emplit la semi pénombre. Ces rapides sont reconstitués dans des tubes transparents, où l’on découvre que seules les plantes au moins quatre fois plus longues que larges peuvent survivre à la course permanente de l’eau.
Mêlant pédagogie et esthétisme, cette exposition atypique présente également des séries de photos consacrées aux racines, feuilles, fruits et fleurs. La beauté saisissante des racines et des feuilles surprend plus que celle, archétypale, des fleurs, mais on reste partout béat devant l’ingéniosité de la nature. La palme revient sans doute à cette fleur thaïlandaise de 70 cm de diamètre qui dégage une odeur de viande avariée pour attirer les mouches qui la polinisent.   Adaptable et ingénieuse, la flore sait aussi être économe. En mettant face à face un milieu éclairé intensément et le même éclairé parcimonieusement, Patrick Blanc démontre que les basses énergies sont amies de la biodiversité, tandis que les plantes lianescentes monopolisent la zone bien éclairée. L’économie serait-elle mère de la saine cohabitation ? Sans aller jusque là, on se prend à rêver aux arrière-pensées des plantes…
Pour une fois qu’une exposition a le potentiel de réunir esthètes et scientifiques (bien qu’on ait le droit d’être les deux !), il serait dommage de la rater. En revanche, amis du béton, s’abstenir.

« Folies végétales », à l’espace EDF Electra, 6 rue Récamier. Entrée libre, 12-19h, tous les jours sauf le lundi, jusqu'au 4 mars 2007.
Photo : plafond végétal.
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29 janvier 2007 1 29 /01 /janvier /2007 00:00
Nouveau genre littéraire ou simplement  roman dans l'air du temps ? Avec "le parfum d'Adam" (Flammarion, janvier 2007), Jean-Christophe Rufin signe en tout cas un thriller sur l'écologie. Ne vous attendez cependant pas à y voir Dominique Voynet et Alain Lipietz armés d'AK47 et entraînés dans les arcanes des services secrets américains. Il ne s'agit pas ici des "fades" et raisonnables écologistes français, mais d'une nébuleuse écologiste radicale venue des Etats-Unis.
Ces "Nouveaux Prédateurs" auto-proclamés ne projettent pas moins qu'une vaste opération terroriste visant l'espèce humaine, et particulièrement ces pauvres qui croupissent dans leurs bidonvilles, accusés d'être des parasites qui sucent la moëlle de notre mère Gaïa.
En Pologne, un laboratoire procédant à des expérimentations sur animaux est saccagé par une jeune fille, qui dérobe un mystérieux flacon, après avoir libéré les animaux et tagué « Front de Libération Animale » sur les murs. Et si cette jeune Française idéaliste et dépressive, qui a trouvé un exutoire à ses frustrations dans l'action directe écologiste, était en fait le bras d'un projet diabolique qui la dépasse ? Deux anciens agents de la CIA sautent sur l'occasion pour reprendre du service, au sein d'une agence de renseignement privée américaine,  et nous entraînent dans un monde post-Guerre Froide, où les menaces ne sont plus aussi faciles à identifier que du temps du communisme. De la Pologne à l’Afrique du Sud, en passant par le Cap Vert, les  Etats-Unis,  la France, la Suisse, le Brésil et l’Angleterre, le lecteur est pris dans une course folle contre le temps, où se mêlent découverte des fondements intellectuels de l'écologie radicale, infiltration de grandes ONG américaines, flirt avec les cercles néoconservateurs américains, immersion dans les favelas brésiliens.
Si le style de Rufin est haletant, il est rarement poétique ou d'une grande finesse psychlogique. Le prix Goncourt, auteur de "Rouge Brésil" cherche ici avant tout l'efficacité narrative, mise au service de la dénonciation des nouveaux ayatollahs de l'écologie. Il n'oublie pas de préciser en postface que ces écologistes radicaux sont aujourd'hui classés par le FBI au 2e rang des menaces les plus importantes pesant sur le territoire américain, juste derrière les fondamentalistes islamistes.
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22 mai 2006 1 22 /05 /mai /2006 00:00

volver.jpg  Elles balaient, frottent, récurent les tombes de leurs défunts maris, elles rient et s’interpellent. Dès la première image de Volver, le ton est donné : la nouvelle fresque de Pedro Almodovar est dédiée aux femmes, ces femmes énergiques qui ne laissent jamais le monde leur tomber sur la tête. Même un monde où les vivants meurent et les morts revivent. Même un village –celui d’où est originaire Almodovar- où le vent d’Est rend fou.

       Au milieu de ce tableau familial au féminin se dresse Raimunda (Penelope Cruz), corps de déesse grecque et regard de feu, incarnation même du courage, pourtant toujours les larmes au bord des yeux. Sublime dans ses affreuses jupes à motifs et ses couleurs violentes,  elle affronte à Madrid petits boulots, mari alcoolique et incestueux, et, au village les fantômes du passé. C’est elle qui entraîne le spectateur dans cette fable mi-réaliste mi-superstitieuse, bipolaire comme l’Espagne, celle des villages hantés et des villes désenchantées.

      Autour d’elle gravitent une adolescente fragile, une sœur célibataire timide, une tante « aveugle et gaga », une prostituée au grand cœur, et surtout une mère morte qui refait surface avec ses secrets enfouis. Carmen Maura, actrice fétiche d’Almodovar depuis des années, campe cette mère sur le retour, cabotine et énergique, jamais tragique malgré le poids du passé qu’elle porte. Elle est la pièce de puzzle qui vient compléter le portrait de Raimunda, car Volver est un « tout sur ma fille » malgré la présence de cette mère.

     Contrairement à la Mauvaise Education, précédent opus d’Almodovar, où l’intrigue sombrait de plus en plus profondément dans le mélodramatique, Volver se goûte comme un hymne à la vie, où scènes légères alternent avec rivières de sang, fêtes colorées où le mojito coule à  flots avec veillées funèbres. Hantées par un passé qui ne passe pas et par un présent qui englue, les héroïnes n’en oublient pas de chanter, de rire ou de se teindre les cheveux. Comme dans cette scène superbe, longuement travaillée par Penelope Cruz, où Raimunda chante d’une voix profonde sa soif du retour.

        Entre deux scènes réalistes et une scène surréaliste, voilée de peurs ancestrales,  l’intrigue se dévoile lentement, contrairement à l’impudique décolleté de Raimunda. Elle est sinueuse mais linéaire, sans cette accumulation vertigineuse de flash-back qui caractérisait les précédents films d’Almodovar. Volver semble donc plus pur, plus juste, plus naturellement esthétique. Des qualités sans doute indissociables du thème abordé, celui de la maternité. 

       A propos de son film, Almodovar a avoué « je n’ai jamais accepté la mort mais pour la première fois je crois que je peux la regarder en face ». Pari réussi, même si l’on se demande en sortant de Volver s’il peut encore regarder les hommes en face, après avoir rendu un si bel hommage aux femmes. Des hommes alcooliques, infidèles et incestueux, qui n’apparaissent qu’en creux, dans le vide et les stigmates qu’ils ont laissés chez les femmes.

      Pour Almodovar, Atlas aurait dû être une femme, pour mieux porter le monde à bout de bras. Une femme méditerranéenne.

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20 mars 2006 1 20 /03 /mars /2006 00:00

Les nuits blanches de Dostoïevski

  

 

      Vous avez sans doute vu dans le métro l’étrange affiche des Nuits blanches, et elle vous a peut-être fait penser à un hommage décalé à Bertrand Delanoë ou à un Paris-Brest crémeux. Ne vous arrêtez pas à cette première impression : la pièce qui se joue actuellement au théâtre de l’Atelier est une petite merveille, tant pour le texte de Dostoïevski que pour la mise en scène contemporaine, qui ne le brutalise pas du tout mais reflète au contraire toute sa modernité existentielle.

      Les Nuits blanches racontent  une rencontre nocturne dans les bas-fonds de Saint-Pétersbourg, sur un quai lugubre, l’envers des salons brillants souvent décrits par Dostoïevski. La rencontre d’une lumineuse jeune fille blonde, qui attend un amant envolé un an plus tôt avec la promesse de revenir à cet endroit précis, et un homme plus âgé, rêveur marginal que la société pétersbourgeoise a décidé de considérer comme un fou parce qu’il se rêve Danton ou Ivan le Terrible. La rencontre de deux êtres égarés, effarés, hallucinés, inadaptés, somnambules ou noctambules, ne sachant pas sur quel pied danser l’un vis-à-vis de l’autre, mais entre lesquels se nouent au fil d’une poignée de nuits des sentiments forts et purs.

    Dominique Pinon, loin du paranoïaque enregistreur d’Amélie Poulain, donne une vraie grandeur tragique à son personnage obscure, qui, dans un douloureux retournement des rôles  se trouve être celui des deux qui a les sentiments les plus clairs, alors que la blonde  Nastenka se révèle un personnage plus trouble, malgré toute sa candeur enfantine. Dominique Pinnon fait frissonner toute la salle d’émotion lorsqu’il s’exclame à la fin de la pièce qu’il préfère « à un bonheur bon marché un malheur qui coûte cher ».

      Mais à ce duo de personnages s’ajoute une troisième « créature »  de la scène : tapi dans l’ombre équivoque du décor, un homme pousse les sinistres escaliers de bois que les personnages empruntent sans cesse. Omniprésent, il recompose en permanence ce paysage  urbain glauque où on descend comme en enfer. Le spectateur hésite à considérer cette présence inquiétante comme la part de nuit et de bestialité des personnages, leur conscience, le chaperon de la jeune fille, une gargouille,  ou, ou, ou...

     On sort de cette représentation en ayant l’impression d’avoir à la fois touché le cœur des angoisses de Dostoïevski, leur quintessence ramassée en une pièce  d’une heure et quart, et d’avoir assisté à un vrai moment de création moderne expérimentale. Foncez !

Les nuits blanches de Fédor Dostoïevski, au théâtre de l’Atelier jusqu’au 19 juin. 10 euros la place une heure avant le spectacle pour les moins de 26 ans.

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16 mars 2006 4 16 /03 /mars /2006 00:00

Magritte est un autre 

 

           Colombes  « pétrifiées en feuilles », portes vues à travers des fenêtres, quilles, mers, pipes et pommes qui n’en sont pas, ciels moutonneux…vous croyez avoir tout vu de René Magritte ?  Pourtant, il y a de fortes chances que l’exposition qui se tient au musée Maillol (=à deux pas de Sciences Po, comme par hasard) vous fasse découvrir des aspects inconnus de l’œuvre de l’artiste belge souvent limitée à son image d’Epinal.

         Au delà du peintre surréaliste, l’exposition « Magritte, Tout en papier » révèle Magritte le dessinateur, Magritte le colleur, Magritte le coloriste, le publicitaire, le réalisateur d’affiches pour centrales ouvrières, l’écriveur de lettres (et griffonneur de dessins à l’encre sur les dites lettres, dessins qu’on retrouve ensuite sous forme de tableaux finis). Et surtout, Magritte l’artiste à l’imagination foisonnante, à l’univers onirique original, et à la prolixité toujours renouvelée. Cette prolixité, c’est notamment la peinture à la gouache, rapide d’exécution, qui la permet. Mais Magritte recourt également aux crayons de couleurs, pour tracer au lendemain de la seconde Guerre Mondiale des toiles hédonistes, vrais hymnes au soleil et aux couleurs, toiles vibrantes et parfois presque pointillistes, bien différentes de ses gouaches.

        En 1925-26, dans sa période « collage », la griffe Magritte était tout autre. Des morceaux de partitions découpées devenaient des arbres-quilles ou des rideaux de  théâtre dans ses compositions épurées. C’était l’époque des manifestes, de l’amitié avec Breton ou Eluard. Une époque retracée à l’aide des manuscrits « les mots et les images » où Magritte expose qu’ « un objet ne tient pas tellement à son nom qu’on ne puisse lui en substituer un autre », feuille flanquée du mot « canon » à l’appui.

        Au final, une exposition modeste, qui donne à voir les différentes périodes de Magritte sans se lancer dans des analyses savantes d’une évolution artistique avant tout portée par les propres rêves de l’artiste, une exposition dans laquelle on glisse comme dans  un songe toujours reconduit, un songe parfois à l’encre, parfois à la gouache, parfois collé, parfois juste ébauché, mais toujours rêvé avec la même foi artistique.

 

 

« Magritte tout en papier » au musée Maillol, 61 rue de Grenelle, jusqu’au 19 juin 2006. Tarif étudiant : 6 euros.

 

 

 

 

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12 mars 2006 7 12 /03 /mars /2006 00:00

Interview of Herbert Lottman, American biographer

    Herbert Lottman is American but has been living and working in France for many years, as a journalist and a biographer. He is among others the author of a reference biography of Albert Camus. For Le magazine littéraire de Sciences Po, he explains the history of this biography and  tells anecdotes about the mythical Camus. Interview by Béatrice Roman-Amat.

 

 

 

Le magazine littéraire de Sciences Po: You have written biographies of very different figures of French History and literature, from Pétain to Colette.  Why did you choose to write a biography of Albert Camus in 1978 ? Is he a writer who had fascinated you for a long time ?

 

       H.Lottman:  Actually I wanted to write a biography of Flaubert and I had started accumulating facts. I’ve always be keen on Flaubert. At that time, a French publisher told me “We don’t want a book on Flaubert but we definitively need one on Camus”. There was no biography of Camus for several reasons. The main one is that Mrs Camus, the widow of Albert Camus, was sharply opposed to a biography, particularly since there had been plenty of women in Camus’life. The second one was that it was almost impossible for a Frenchman to write a biography of Camus because of his rivalry with Jean-Paul Sartre, which had deeply divided French intellectuals. A lot of intellectuals in Saint-Germain had found it “chic” (radically chic) to support Sartre  rather than Camus.

 Your biography is what we usually consider in France a typical Anglo-Saxon biography, which focuses on the facts. Were you sometimes tempted to do as if you were entering more deeply into Camus’ thoughts  and feelings, as for instance Max Gallo does when he writes Napoleon’s biography ?

 

 

             H.Lottman:   For ages, my model has been R. Ellemann, who wrote a marvellous biography of James Joyce. A biography must be something as complete as possible and the American biographies are always huge books, which is even excessive sometimes. I am sorry to tell that there are very few good biographers in France, even if the trend has been changing recently thanks to people like Olivier Todd. A lot of so-called French biographers imagine that they can invent things, dreams and thoughts of the figure they are writing about. But I worked as a journalist, no as a professor, for the biography of Camus. I met ordinary people who had been Camus’friends in Algeria and in France and spent a lot of time speaking with them. 

 Did you find it difficult to distinguish between Camus real life and the myths that surround him ?

 

 

        Paradoxically enough, this is not the accurate way to ask the question, because the real Camus was in a way more heroic than the mythic one. He was very modest and didn’t show off with the heroic actions he did. Let me tell you a short story about him. When he was in Algeria, he was expelled of the communist party because he didn’t agree with the injunctions coming  from Moscow demanding that the PC stopped its anti-colonialist campaign, because of the friendship treaty which had just been signed between France and the USSR. Camus thought that it was a treason towards all the young Arabs that had  quitted the party thanks to this political campaign against colonialism. He preferred to give up the PC, which could help him have his books and plays published and performed, than  to betray his own convictions. But he never told this to anybody, as far as we know.

 

        Likewise, very few people know that he reused to work for the prestigious magazine La revue française because it had been taken over by a pro-fascist editor.

 

         But on the other hand, France needed young heroes in the 1950s and was very eager to promote Camus to the status of mythical Resistant.

 You have written a 700-page-long biography of Camus. Do you think that there is anything left to discover for future biographers or have all the secrets been revealed ?

 

 

       Of course there are still things to discover about Camus. When I was doing research for this book, I met the Danish woman, who was Camus’mistress when he died in car crash in 1960,  and Gallimard’wife who lost her husband in the same accident. Both of them were opened sources but there is so much you want to know !  And I have always tried to remain pudique[1] while tackling Camus’private life.

 

       Moreover, Camus’love letters will certainly be published one day. I read some of them but I couldn’t quote a single line because their content belongs to the heirs, which are opposed to any publication. Letters or manuscripts that have never been published are protected by the copy right without any time limitation. But maybe things will change with another generation.

 Is the attitude of Camus’heirs an exception or is it a hardship that you faced while writing other biographies ?

 

 

        The Camus are particularly rigid on that point. When I wrote a biography of Colette, the members of the family let me quote the correspondence freely. They were relaxed about it, because there were no secrets.

  Personally speaking, what do you consider Camus’ most important book ?

 

        Personally, the book that I prefer is La chute, because it reflects much of Camus’ loneliness after his argument with Sartre. When he wrote  L’Etranger, he was not yet that much himself as he was later. He tried to write something striking for the readers. Camus had the ability to write beautiful fictions but he was too involved in the political life in order to be abstract. L’Homme Révolté, obviously, is important, since it tries to wake up  his contemporaries, to warn them against totalitarism.

 

 

Do you write or plan to write another biography at the moment ?

 

       I have just finished a biography of Modigliani[2], a very interesting and not well-known figure. As usual, I spent about two years on the book, but it was not easy at the beginning, because of Parisot , a specialist of Modigliani, who wrote several books on him, and tried to get me out of the sources. I simply ignored him. Anyway his books are quite bad and I wrote the first real biography of Modigliani !

 

 

 

 

 

 

 



[1] En français dans le texte

[2] Amadeo Modigliani, prince of Montparnasse, Calmann-lévy, 330 pages.

 

 

 

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17 février 2006 5 17 /02 /février /2006 00:00

Bernard Faucon, la photo  jusqu’au  cou

 

Exposition à la maison européenne de la photographie 

 

Note : 4/4

 

        J’étais venue à la maison de la photographie[1] pour l’expo PPP  de Raymond Depardon (Portraits de Personnalités Politiques, par ailleurs très bien mais assez prévisible), je suis restée et ressortie enthousiaste pour la rétrospective « Bernard Faucon » qui m’a fait découvrir un photographe démiurge et magicien à l’univers bien spécifique.

 

         Dans les salles de l’exposition, il flotte une odeur de lavande, l’odeur des paysages qui sont le théâtre de la plupart des photos de Bernard Faucon.

 

        Faucon est le maître de la mise en scène photographique et cette exposition retrace trente ans de sa quête de beauté, à travers au moins six périodes différentes de sa création : « Chambres d’amour », « Idoles et sacrifices », « Explosions »…Autant de facettes d’une même univers hanté d’enfance, de lumières rasantes et de solitude.

 

             Pendant plusieurs années, Faucon a photographié des mannequins en caoutchouc, et ainsi essayé de recréer le monde de l’enfance. Mais aussi d’assumer le côté profondément ambigu d’une enfance vue par un jeune adulte, qui menace toujours de basculer vers le morbide et l’autodestruction. Au milieu des mannequins se faufile parfois un enfant de chair et de sang, un morceau de « vraie vie » qui ne semble la plupart du temps pas plus réel que les mannequins.

 

         Plus tard, le photographe se libère de l’emprise des mannequins et glisse subtilement vers l’abstraction. Mais pas tout à fait, car dans les « chambres d’amour », angles de pièces claires photographiées comme des tableaux abstraits, s’intègre souvent un bout de corps, souvent un corps d’enfant lové dans un sommeil mi-innocent mi-suggestif. Des corps d’enfants dont la beauté transfigurée par la photo inspire parfois un malaise certain mais cloue littéralement  le spectateur sur place.

 

     En bref, une photographie métaphysique, où se développe sous différentes formes une même angoisse du temps, du factice et du réel, de l’authenticité de la vie et de la création, mais une photographie jamais désincarnée, toujours charnelle.

 

       Et puis si vous ne venez pas pour les photos de Bernard Faucon lui-même, venez pour découvrir son projet photographique « la plus belle journée de ma jeunesse »,  1997-2000.  Pendant trois ans, Faucon a distribué aux quatre coins du monde des appareils photos jetables à des jeunes, pour une journée. A chaque fois, de cette unité de lieu, de temps et de jeunesse sont nées des images intimistes et spontanées, exprimant une même aspiration artistique chez toutes les jeunesses du monde, du Japon au Mali, de la Russie à Java. Tous les visiteurs de l’exposition les regardent défiler sur un écran avec un regard médusé. De la vraie magie photographique universelle en barres.

 

 



[1]  Dans le 4e, Métro Saint Paul, jusqu’au 5 mars, 3 euros l’entrée.

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