Dans ce pays qui compte environ 180 millions de Musulmans, l’Islam est traditionnellement tolérant et syncrétique, mâtiné de traditions animistes ou hindouistes. Pourtant, depuis la chute de Suharto en 1998, les partis islamistes radicaux ont vu leur attractivité électorale grimper en flèche. Certains partis relativement modérés soutiennent également ce projet de loi qui interdirait aux femmes de sortir non-accompagnées de leur mari ou d’un proche parent et d’arborer débardeur et mini-jupe.
Si les intellectuels et artistes indonésiens lèvent la voix pour dénoncer un risque de limitation de la liberté artistique, ce sont certains groupes ethniques et religieux de la mosaïque indonésienne qui se sentent le plus menacés. Ce projet de loi est en effet incompatible avec les traditions papoues comme avec les fondements du tourisme à Bali. De là à imaginer une pétition commune de Papous défendant leurs étuis péniens et les poitrines nues de leurs femmes et des touristes de Bali défendant leur droit à se prélasser en bikini sur la plage, il y a cependant un pas…
Pour Greg Fealy, enseignant à l’université nationale australienne et auteur de nombreux ouvrages sur l’Islam en Indonésie, la loi anti-pornographie ne devrait toutefois pas être adoptée sous sa forme initiale. « Le nombre d’articles de la loi est déjà passé de 90 à 30 et toutes les propositions discutables portant sur la morale publique ont été abandonnées, souligne-t-il. C’est une victoire des nationalistes laïques et des groupes régionaux sur les Islamistes. » Malgré les tendances anti-libérales qui se sont révélées au cours de ce virulent débat national, les touristes en burqa ne semblent donc pas être pour demain sur les plages indonésiennes.