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13 juin 2006 2 13 /06 /juin /2006 00:00

Les Tuileries seraient-elles tendance ? Un  comité se mobilise pour les faire reconstruire, avec verve mais sans doute peu de chances d’aboutir. 

 

          Depuis plus d’un siècle, les Français se sont habitués à vivre sans les Tuileries. Entre le 23 et le 25 mai 1871, c’est tout un pan d’histoire de France qui partit en fumée. En plein cœur de la « semaine sanglante » de la Commune de Paris, alors que la répression des insurgés par les troupes versaillaises  est féroce, la « barbarie de la Commune », selon l’expression consacrée dans les milieux anti-communards, incendie les Tuileries. Avec ce palais construit à partir de 1564, trois siècles d’ajouts successifs et de fastes royaux et impériaux disparaissent.

        Pour expier les crimes de la Commune, Paris se pare du Sacré Cœur en 1873 mais les Tuileries ne renaissent pas de leurs cendres. L’Hôtel de Ville joue en revanche les phénix : incendié dans les mêmes circonstances que les Tuileries, il est reconstruit à l’identique, de même que le Ministère des Finances, la Cour des Comptes ou l’Hôtel de la Légion d'Honneur. Seules les Tuileries se trouvent exclues de ces grands chantiers républicains qui tendent à effacer toute trace de l’épisode insurrectionnel.  Jules Ferry, alors maire de Paris, avait pourtant solennellement promis aux sénateurs de reconstruire les Tuileries pour en faire un musée. Nul ne sait s’il avait fait cette promesse en toute bonne foi, mais l’homme aux favoris serait sans doute surpris de voir des centaines de personnes se mobiliser pour cette cause quelque 135 ans plus tard. En 1882, c’est en tout cas Ferry qui fait voter la loi d’arasement des Tuileries, théoriquement pour pouvoir mieux reconstruire le bâtiment, mais ce ne sera en fait jamais le cas.

        Pourtant, l’idée de la reconstruction ne disparaît jamais complètement, et c’est en 2002, qu’est créé le comité national pour la reconstruction des Tuileries. Aujourd’hui, il ne compte pas moins de 500 membres, dont Philippe Seguin et le très éminent académicien Maurice Druon. Ce dernier n’a pas hésité à s’écrier avec passion « il faut lancer une souscription nationale ! » dans l’émission « Tout le monde en parle » de Thierry Ardissson la semaine dernière. Malgré la visibilité donnée au projet par cette émission de télévision, les Tuileries ne vont pas pour autant bondir de terre demain. Ce chantier coûterait en effet la bagatelle de 300 millions d’euros ! Le comité soutient que la Ville de Paris et l’Etat ne débourseraient pas un centime, grâce à la souscription nationale, voire internationale, mais réunir une telle somme auprès de particuliers est loin d’être aisé.  Et on imagine mal l’Etat ne pas mettre du tout la main à la poche si ce projet devait se concrétiser.

         Pour justifier la reconstruction des Tuileries dans l’état de la fin du Second Empire, le comité n’a pas peur des formules emphatiques. Alain Boumier, président du comité et de l’Académie du Second Empire, souligne que « la perspective de 9 km qui s’étend des Tuileries à la Grande Arche de la Défense fait partie de ces axes historiques que bien peu de villes au monde ont le privilège de posséder ». Il ajoute que « Le Comité national pour la reconstruction des Tuileries est porté par un élan au-delà des générations, des tendances politiques, des cultures et des frontières, pour un creuset où s'est cherchée et s'est trouvée la France moderne ». Pureté de la perspective créée par les Tuileries, harmonie de ses façades classiques conçues par Philibert Delorme,  vaste tranche d’histoire marquée par les empreintes de Catherine de Médicis, Napoléon ou encore Louis XVIII, et même de la Convention qui s’y était installée en 1793[1], tout est évoqué pour étayer cette thèse.

           Pourtant, derrière l’accumulation d’arguments convaincants, se dessine également un  mouvement à tendance très conservatrice. Sur le forum de débat « passion-histoire.net », certains internautes soulignent que la reconstruction des Tuileries mettrait la Grande Pyramide du Louvre un peu à l’étroit dans sa cour, alors que des  partisans de la reconstruction soutiennent au contraire que la Pyramide n’a aucune valeur historique et qu’il aurait donc mieux valu consacrer l’argent de son édification à la reconstruction des Tuileries. Un projet certes historiquement plus cohérent mais qui aurait laissé nettement moins de place à la créativité artistique et à la valorisation de l’architecture contemporaine. Ce même internaute anti-pyramide serait d’ailleurs partisan d’ôter le plafond de Chagall de l’opéra Garnier pour restaurer le plafond Second Empire…Evoquer la reconstruction des Tuileries est également souvent prétexte à de violentes diatribes contre les Communards. Une preuve que reconstruire les Tuileries est loin d’être est un projet politiquement fédérateur.

          Au-delà même de ce débat sur le conservatisme du comité, rebatir le palais poserait un véritable casse-tête logistique. Cela impliquerait de réorganiser une fois de plus le musée du Louvre, qui s’engage déjà dans une nouvelle phase de travaux. Et les fondations d’une partie du palais des Tuileries ont été détruites pour installer un couloir d’accès au parking souterrain pour les visiteurs du musée.

         Mais de toute façon, pour Nelly Tardivier, chargée de mission au Louvre pour le jardin des Tuileries, « ce projet de reconstruction n’est pas à l’ordre du jour. Il faudrait reconstruire le palais ex nihilo, ce qui n’est pas dans les habitudes patrimoniales françaises ». Elle explique que l’Allemagne ou la Russie l’ont fait, par exemple pour les palais petersbourgeois détruits par les Allemands. En France, en revanche, il règne une sorte de consensus politique qui veut qu’on ne revienne pas sur la décision prise sous la Troisième République de ne pas reconstruire les Tuileries. En outre, Nelly Tradivier considère que « si la reconstruction avait lieu aujourd’hui, on serait plus dans de l’interprétation que dans la fidélité historique. Et comme il ne reste strictement rien des Tuileries, ce projet de reconstruction pourra toujours se concrétiser dans un siècle, voire plus».

          Malgré le lobbying du comité pour la reconstruction des Tuileries, c’est au ministère de la Culture qu’il reviendra de prendre une décision, si décision quelconque il doit y avoir.  Cela ne semble pas devoir être le cas pour le moment. Alain Boumier écrit qu’« on ne peut pas effacer une âme ». Il devra sans doute se contenter du souffle de l’Histoire qui passe toujours dans le parc des Tuileries, même s’il n’est plus ombré par le palais des rois et des empereurs.


[1] La palais des Tuileries était alors appelé « Palais National ».

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commentaires

V
Je vous signale quil est toujours possible d'avoir une idée très précise de l'architecture du palais des tuileries en allant <br /> voir le chateau de la punta près d'ajaccio.<br /> il y a un site : http://perso.orange.fr/lapunta
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G
Je viens de consulter ce doc,il élude la question du parking et de l'organisation du Louvre...<br /> http://www.academie-des-beaux-arts.fr/actualites/travaux/Boumier.pdf<br /> <br /> Mais pour le coup,on ne peut pas dire que comme je le reprochais avant que l'auteur soit entièrement objectif car il s'agit de l'égérie des "reconstructionnistes",bref,il défend son projet,ce qui tombe sous le sens -un projet que je souhaite voir aboutir<br /> Je suppose qu'il s'est assez posé sur la question pour avoir une opinion fondée des problèmes techniques(qui en bon étudiant un peu trop littéraire me dépasse un peu)...<br /> Guillaume qui redonne l'antenne à des commentateurs moins exclusifs!
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G
Je trouve la page intéressante par le propos mais le ton est je trouve un peu déplacé... personnellement, j'ai 18 ans ne suis dans aucune organisation de droite, pas le moins nostalgique du second empire ;pourtant je souhaite la reconstruction des Tuileries(comment est-ce possible ?)...il est certain que cela ne sera pas facile... il est vrai que certains supporters du projet ont des tendances radicales qui ne sont pas toujours dans l'air du temps :Chagall ayant autant peu de chances d'être déboulonné au palais Garnier que la Pyramide du Louvre d'être détruite ,pour mettre un terme sur cette bataille des anciens(« regardez celui qui supporte ce projet n'est qu'un immonde débris de droite qui défend des idées stupides »pour caricaturer les attaques ad hominem contre les « reconstructionnistes ») je dirai que même l'architecte de la pyramide Pei, défend la reconstruction des Tuileries.Il est certain que la perspective en sera réduite...mais merci stop aux "on verra plus tard" c'est valable à toute époque et ne fait strictement rien avancer(je fais le savant mais écoutons Einstein »Si on ne combat pas la raison on n’arrive généralement à rien »),pour moi remettre à plus tard est carrément plus réactionnaire :tout est bien,je ne change rien !<br /> <br /> Et puis la question des reconstructions est toujours la même (c'est presque gonflant:quelle valeur a un bâtiment reconstruit de toute pièce?) il me semble que l'on ne consteste pas la valeur historique de la Frauenkirche à Dresde même si "3 pierres "de l'ancien bâtiment y ont été replacés (à mon tour d'être cynique…) de plus,on peut conclure en disant qu’il demeure toujours des éléments de la façade dans je ne sais plus quel jardin de Paris qui réorganisés dans la reconstruction pourrait lui apporter une certain « crédibilité »-les exemples de reconstructions-restaurations plus fantaisistes que celle qui va être mise à priori en place ne manquent pas,prenez le catalogue de Viollet le duc(la reconstruction - ici c’est quasiment le cas -de Carcassone n’est pas jugée pour autant de vulgaire Disneyland).<br /> <br /> Pour moi,l’élémentle plus important est je pense les fondations avec le problème du parking souterrain...Demeure la question :quelle place pour les Tuileries?Je pense qu'une fois que le projet aura été bien » démoli » et s’il se met encore en oeuvre "chacun"applaudira la réalisation et je ne pense pas qu'un espace supplémentaire au Louvre actuel soit totalement inintéressant en terme d'attractivité ,mais on ne peut pas demander à faire une reconstruction sans remise en cause du système,le Louvres ne pourra pas en bénéficier et pleurer sur les besoins que nécessitent ce bénéfice!<br /> J'ai été un peu long mais sans vouloir prétendre à apporter « la lumière divine »sur le « problème » j'espère avoir été assez "clair", merci au web master s'il a le courage de<br /> me lire et s'il veut bien publier ce commentaire.<br /> Guillaume
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B
Je ne voulais pas signifier que tous les partisans de la reconstruction des Tuileries sont des réactionnaires de droite : loin de moi cette idée ! Les motivations sont en effet aussi diverses que les personnalités présentes dans le comité. Elles traduisent cependant souvent une vision plutôt conservatrice que créative de la gestion du patrimoine.
C
Contrairement à ce que j'ai pu lire dans l'article précédent, la reconsturction des Tuileries est à l'odre du jour puisque le ministre de la culture qui s'est dit favorable au projet (tout comme l'ancien ministre de la culture jacque Lang), a signé un décret réunissant une commission gouvernementale,présidé par Mr Druon, devant rendre ses conclusions sur la faisabilité du projet.<br /> <br /> Le politique (de toute tendance étant favorable) il appartient maintenant au comité de trouver le financement pour cela.<br /> Or de nombreuses fondations ont déjà pris contacts avec le comité pour l'envisager.<br /> Cette oeuvre de reconciliation nationale (la pyramide et les Tuileries ont chacunes leur place) semble bien avancée.<br /> <br /> C.R
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